Len Sassaman est un nom qui revient souvent lorsqu’on évoque les personnes qui pourraient être Satoshi Nakamoto. Pourquoi le développeur est-il évoqué en lien avec le créateur de Bitcoin (BTC) et les arguments utilisés sont-ils solides ? Retour sur le parcours hors norme d’un développeur de talent, qui a tragiquement disparu en 2011.

Qui est Len Sassaman et peut-il être Satoshi Nakamoto ?

Le mystère le mieux gardé de l’écosystème crypto est l’identité de Satoshi Nakamoto. Le créateur de Bitcoin (BTC) a laissé de nombreux messages lors de la création de la cryptomonnaie, mais pas d’identité réelle. Depuis bientôt 15 ans, les enquêteurs se succèdent cependant pour savoir qui était réellement celui qui a créé la révolution financière que représente le BTC.

Plusieurs noms reviennent souvent lorsque l’on parle de Satoshi Nakamoto. Par exemple Hal Finney, un développeur de renom qui a participé à l’élaboration de Bitcoin. Ou bien Adam Back, la première personne qui a communiqué avec le créateur anonyme. On entend aussi parfois parler de Len Sassaman. Moins connu que ses camarades du mouvement « cypherpunk », le développeur partage cependant des points communs avec Satoshi Nakamoto. Que sait-on alors de la vie de ce développeur hors pair, qui est tragiquement décédé en 2011 ?

Len Sassaman, un cryptographe ayant participé à des protocoles majeurs aux débuts d’Internet

Né en 1980 à Pottstown en Pennsylvanie, Leonard Harris Sassaman a montré des prédispositions pour les technologies alors qu’il était très jeune. Ayant obtenu l’équivalent du baccalauréat en 1998, il occupe dès son adolescence une place majeure dans les technologies naissantes qui entourent Internet.

À l’âge de 18 ans, il fait en effet parti de l’Internet Engineering Task Force, c’est-à-dire l’équipe responsable du protocole TCP/IP, qui sous-tend encore une grande partie d’Internet de nos jours. Len Sassaman a cependant toujours eu une santé fragile : il obtient ainsi un diagnostic de dépression au cours de son adolescence, mais il continue de travailler sur les technologies qui l’inspirent.

Au cours de sa carrière initiale, Len Sassaman travaillera au sein de plusieurs entreprises, dont Anonymizer, une société de sécurité et d’anonymat sur Internet. Très vite, l’anonymat et la protection des données personnelles deviennent des thématiques centrales de la vie de Len Sassaman et il se battra pour les promouvoir au sein de ses diverses activités.

Au tout début des années 2000, Len Sassaman a intégré la société Network Associates, que l’on connaît désormais sous le nom de McAfee. Il travaillera alors sur le protocole de chiffrement PGP, qui est encore très largement utilisé pour masquer et chiffrer des conversations sur Internet. C’est à ce jour une de ses plus grandes contributions aux technologies de chiffrement.

Len Sassaman en 2011

Len Sassaman et le mouvement cypherpunk

En début de vingtaine, Len Sassaman intègre progressivement le mouvement cypherpunk, qui rassemble des passionnés d’informatique militant pour l’utilisation du chiffrement et de solutions de protection de la vie privée. À San Francisco, où il a déménagé en 1999, il fréquente très tôt David Chaum, qui est considéré comme l’un des « pères » du mouvement. Ce dernier a inventé l’un des tout premiers protocoles blockchain ainsi que l’ancêtre des cryptomonnaies, le « ecash ».

Dans ce cadre, Len Sassaman fondera ou participera a plusieurs projets d’ampleur. On peut citer le GNU Privacy Guard, auquel il a contribué, ou encore le protocole de signature Zimmermann-Sassaman. Il évolue dans des milieux où des solutions de chiffrement comme le réseau Tor sont développées.

À San Francisco, il vit initialement avec Bram Cohen, le créateur de BitTorrent, le protocole de partage de données décentralisé. Celui-ci rapporte que Len Sassaman a, à l’époque, tenté de le convaincre de publier le protocole BitTorrent sous pseudonyme, et pas sous son vrai nom.

Au cours de son évolution en tant que développeur, Len Sassaman se distingue par un grand militantisme. Il défend activement les droits des développeurs, en co-organisant notamment des manifestations contre l’arrestation du russe Dmitry Sklyarov en 2001. Il se positionne aussi très fermement contre la surveillance des États. Il considère ainsi que les mesures prises suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis sont liberticides.

Vie privée et mort tragique de Len Sassaman

Len Sassaman a épousé l’informaticienne de renom Meredith Patterson en 2006, avec qui il a travaillé sur plusieurs travaux de recherche. Dans les années qui ont suivi, il a pointé plusieurs failles de sécurité dans des protocoles majeurs et continué de militer pour un Internet plus libre et moins surveillé.

Mais bien qu’il l’ait beaucoup caché, sa vie privée était difficile : il souffrait de problèmes neurologiques majeurs, qui se sont empirés avec les années. Au cours des dernières années de sa vie, il marchait avec une canne et était, selon sa femme, terrifié de perdre petit à petit ses fonctions motrices.

Tout cela a contribué à une fin de vie particulièrement dure pour Len Sassaman, qui a conduit à un geste malheureux. Meredith Patterson a rapporté que son mari s’était suicidé le 3 juillet 2011. On connaît peu de détails sur les circonstances exactes de sa mort. Len Sassaman avait 31 ans.

Les parallèles entre Len Sassaman et Satoshi Nakamoto

Cela fait plusieurs années que des rumeurs circulent sur le lien présumé entre Len Sassaman et Satoshi Nakamoto. En 2021, le site Bitcoin.com a publié un article qui énumérait les « nombreux éléments » suggérant que le développeur pouvait être le créateur anonyme de Bitcoin.

Un élément qu’ont noté les enquêteurs, c’est que la mort de Len Sassaman correspond au moment où Satoshi Nakamoto a fait ses adieux à la communauté Bitcoin, en avril 2011. À l’époque, le créateur anonyme publiait ce message sur le forum BitcoinTalk :

« Je me consacre à d’autres choses [que le Bitcoin]. Vous ne me verrez probablement plus à l’avenir. »

Il faut aussi rappeler que suite à sa mort, un hommage à Len Sassaman a été inscrit de manière permanente dans la blockchain Bitcoin. L’hommage sous forme d’ASIIC art rapproche donc le développeur d’un protocole auquel il n’a officiellement jamais participé.

L’hommage à Len Sassaman qui a été inscrit dans la blockchain

À l’époque, la personne responsable de cet hommage, Leung, justifiait ainsi son choix :

« C’est un mémorial à Len Sassaman, un homme qui a été pour ainsi dire immortalisé dans la blockchain. C’est un hommage approprié, de bien des manières. »

Autre élément que l’on peut souligner : Satoshi Nakamoto souhaitait que le Bitcoin devienne l’équivalent du PGP, c’est-à-dire de la cryptographie, mais pour l’argent. Or, on a vu que c’est un domaine que Len Sassaman a farouchement défendu et qu’il a contribué à développer.

« Un chiffrement fort est devenu accessible pour le grand public. […] Il est temps que nous ayons la même chose pour l’argent. »

https://www.youtube.com/watch?v=fySotKE22eI

Hal Finney et les autres « proches » de Satoshi Nakamoto

Il faut aussi noter que lorsque Len Sassaman travaillait chez Network Associates, l’un de ses collègues était Hal Finney. Les échanges entre Hal Finney et Satoshi Nakamoto ont été documentés, et le développeur a été l’une des personnes qui ont rapporté avoir le plus communiqué avec le créateur anonyme de Bitcoin.

Hal Finney a par ailleurs été la première personne à avoir opéré un nœud de Bitcoin, et à avoir reçu du BTC, qui lui a été envoyé par Satoshi Nakamoto lui-même. Par ailleurs, le développeur a continué à contribuer à Bitcoin après que son créateur anonyme ait disparu.

Parmi les développeurs d’ampleur ayant contribué à Bitcoin et ayant gravité autour de son créateur, on peut aussi citer Adam Back. Il s’agit de la première personne à avoir interagi avec Satoshi Nakamoto. Or, on sait également que Len Sassaman a directement collaboré avec Adam Back. Les 2 hommes ont travaillé sur plusieurs projets, dont des implémentations d’OpenPGP.

Dernière personne que l’on peut mentionner : David Chaum. Len Sassaman a officiellement travaillé avec David Chaum à partir de 2004, au sein du groupe de recherche en cryptographie et sécurité informatique de K.U. Leuven, en Belgique. Or, David Chaum est considéré comme le père des cryptomonnaies, grâce à ses contributions mentionnées plus haut.

D’autres indices concordants sur Len Sassaman et Satoshi Nakamoto

Autre indice : la tendance de Len Sassaman à utiliser des pseudonymes est avérée. Il a contribué plusieurs fois à la mailing list des cypherpunks sous divers noms. Par ailleurs, son intérêt pour les technologies financières semble avoir atteint un pic entre 2008 et 2010, soit les années où Bitcoin a été lancé. À cette époque, Len Sassaman a ainsi rejoint l’International Financial Cryptography Association et a participé à diverses conférences.

Parmi les autres indices, on peut aussi citer la localisation de Len Sassaman, qui a vécu en Belgique. Il est en effet avéré que Satoshi Nakamoto était actif dans un fuseau horaire correspondant à celui de l’Europe de l’Ouest. Par ailleurs, il aurait fait référence à des euros et aurait utilisé une citation de journal qui n’aurait circulé qu’au Royaume-Uni et en Europe.

Les anciens tweets que nous avons de Len Sassaman montrent par ailleurs qu’il partage des manières d’écrire avec Satoshi Nakamoto. Il utilise ainsi des graphies britanniques pour certains mots, alors qu’il est Américain. Les horaires auxquels il publiait des tweets correspondent par ailleurs aux horaires auxquels Satoshi Nakamoto était actif sur les forums.

Des éléments qui sèment le doute

Bien que des auteurs affirment que Len Sassaman est Satoshi Nakamoto, plusieurs éléments viennent cependant semer le doute. À commencer par une déclaration de sa femme, Meredith Patterson. En 2021, elle niait que son mari ait été le créateur de Bitcoin :

« […] À ma connaissance, Len n’était pas Satoshi. »

D’autres éléments peuvent également être pris en compte. À commencer par la manière de travailler de Len Sassaman. Ce dernier ne codait en effet pas en C++, qui est le langage de programmation utilisé majoritairement par Bitcoin. Par ailleurs, il n’utilisait jamais Windows, qui est pourtant un système d’exploitation rattaché aux pratiques de Satoshi Nakamoto.

Autre élément : dans ses publications Twitter, on peut encore voir quelques critiques faites au manque d’anonymat de Bitcoin par Len Sassaman. Tous ces éléments semblent donc contradictoires.

Len Sassaman, un développeur au destin tragique

Nul doute que Len Sassaman se serait exprimé sur les évolutions de Bitcoin et des cryptomonnaies en général s’il était encore parmi nous. Sa mort a nimbé de mystère le développeur, l’empêchant de répondre aux questions pressantes des enquêteurs sur Satoshi Nakamoto. Reste son héritage conséquent, qui va bien au-delà des cryptomonnaies et qui montre le combat qu’il a mené toute sa vie pour défendre le droit à la vie privée.

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